Un chemin initiatique a toujours une dimension spirituelle. Il est fait d’obstacles et d’épreuves à surmonter avec son lot de découragement et ses larmes à essuyer. Dans cette vie, il nous faut réapprendre de vieilles leçons oubliées. Celles et ceux qui ont le courage de s’atteler à cette tâche sont appelés par leur âme à effectuer ce travail. Or, pour transmuter le plomb en noble métal, il faut passer par l’épreuve du feu.
Ce travail d’alchimiste n’est pas sans difficultés. Il demande de développer une grande foi, du courage, de la persévérance mais aussi de la ténacité voire de la pugnacité. Heureusement, d’Autres avant nous ont tracé leur propre route et nous ont fait la grâce de partager leurs expériences.
A notre tour, et au fur et à mesure de notre avancement sur le sentier, nous développons une maîtrise, un discernement, une foi en nous-mêmes et, pour les plus spirituels, la conviction inébranlable que les forces célestes éclairent nos pas et que d’invisibles compagnons mais néanmoins fidèles, nous procurent des « outils ». Ces aides se manifestent par des rencontres, des lectures, des films, ce que l’on appelle des « synchronicités* » … Elles sont aussi un savoir et une connaissance qui se transmettent, une compréhension spirituelle de ce qu’est notre raison d’être, ici et maintenant.
Il arrive que le chemin soit périlleux selon notre degré de résistance au changement et notre volonté de progresser. Il est certain que le chemin nous éloigne de notre zone de confort. Le cheminement se fait par étape et parfois, certains renoncent, abandonnent ou prennent un chemin de traverse. Ils ne sont pas à blâmer. Chacun agit selon son niveau de conscience. Plus tard, quand ils se sentiront plus forts, plus armés, ils reprendront la route. L’important est que la route soit dégagée et que tous puissent l’emprunter car tel est le destin de l’Âme.
Pour ceux d’entre nous qui iront jusqu’au bout, ils accèderont à une dimension spirituelle supérieure. La promesse n’exclut pas l’épreuve et il nous faut nous aguerrir et affronter les difficultés. C’est un combat contre l’ombre. Un combat contre notre meilleur ami ou notre pire ennemi, à savoir nous-même. La Nigredo** de Jung, ce processus de la confrontation avec son ombre constitue une étape obligée du processus d’individuation***.
Il serait vain de croire que nous pouvons totalement ignorer les opinions des Autres et ce qu’ils pensent de nous car leur regard influence la perception que nous avons de notre propre potentiel. Alors, pour vivre heureux, nous devons apprendre à nous détacher de leurs jugements et en adoucir les effets. Si ce processus mental est ardu, tant nous sommes conditionnés depuis notre enfance à rechercher l’approbation dans le regard des Autres, nous pouvons accéder au détachement en faisant appel à la volonté et la maîtrise de soi. Certes, cela demande un peu d’exercice et beaucoup de patience envers nous-même …
Quelques pistes pour ME libérer :
1. Je ME rappelle qu’intégrer le jugement des Autres ne ME définit pas en tant que personne. Je ne suis PAS ce que les Autres pensent de moi tout comme les Autres ne sont PAS ce que JE pense d’EUX. Une opinion reste une valeur subjective tant que l’on ne connait pas les tenants et les aboutissants. A savoir les raisons qui m’ont amené(e) à agir de telle façon ou à m’exprimer d’une autre.
2. Si je ME trompe, l’erreur ne remet pas en cause la valeur de MON Être Profond. MES comportements, qu’ils soient positifs ou négatifs, ne font PAS de moi un(e) associable si je suis mal luné(e) ou un(e) poltron(ne) si je considère que rouler à 160 km/h sur une route de montagne risque de précipiter mon départ pour l’Autre Monde.
Les jugements positifs des Autres sont également sujets à caution. Il est agréable de s’entendre dire qu’on me trouve « super sympa », « rigolot(e) » ou « cool » mais je calme mon Ego en lui rappelant que cela aussi, c’est subjectif et qu’il me faut garder mes distances avec ces propos tant, d’un jour à l’autre, ces mêmes personnes qui me trouvaient formidable hier me jettent un regard froid aujourd’hui.
3. Je ne laisse PAS l’opinion des Autres influer sur ma qualité « d’être » au quotidien. Je ME rappelle l’impermanence de la vie et je ME libère de l’ATTACHEMENT[1] qui demeure l’illusion au présent et la porte ouverte aux désillusions possibles dans l’avenir. L’ATTACHEMENT, parce que je veux imaginer le permanent dans l’impermanence sentimentale qui caractérise l’être humain.
4. Je SUIS une personne MATURE qui se débarrasse de ses ILLUSIONS[2]. Perdre ses illusions n’est pas l’abandon de ses rêves, c’est au contraire user de son pouvoir de discrimination pour déterminer le « possible » et « l’improbable ».
Au passage, je me remémore la définition philosophique de l’illusion : « du latin illudere (se jouer de – se moquer de) on définit l’illusion comme une croyance ou une opinion fausse abusant l’esprit par son caractère séduisant et fondée sur la réalisation d’un désir qui en constitue le mot clé » ou encore plus réducteur : « L’illusion propre au désir est la satisfaction imaginaire du désir qui refuse d’être réfuté ».
5. Je ME rappelle que les jugements des autres (et les miens) sont des projections portées sur l’Autre. Lorsque je suis jugé(e), je me rappelle que l’Autre cherche à se rassurer sur sa propre valeur.
6. J’apprends à différencier l’air de la chanson. Je prends conscience qu’au fond de moi, squatte un petit lutin à la voix pas toujours mélodieuse, qui n’a de cesse de m’importuner avec ses vilaines remarques « je ne suis pas assez bien », « je ne sais pas faire », « je ne suis pas capable », « je suis trop », « je ne suis pas assez » ... La même bestiole s’attaque indifféremment aux Autres avant même que j’en prenne conscience. Je réalise alors que la voix de l’Autre est la même que celle qui me chuchote intérieurement les critiques sur moi-même.
7. J’applique la règle n° 6 et j’apprends au lutin de la mettre en sourdine. Je suis le Maître à bord de mon véhicule qui est mon Corps et je contrôle mon Esprit. C’est MOI qui détient le POUVOIR de réfléchir, peser, considérer, moduler, adoucir, éclairer mes opinions par ma sagesse et ma conscience.
Mes énergies déterminent mon Être Profond et influent le comportement des Autres à mon égard.
8. J’accepte le FAIT que les Autres me jugent car je n’y peux rien. J’accepte que leurs jugements ne soient pas toujours flatteurs car je sais qu’ils jugent selon LEUR perspective.
En revanche, J’AI LE CONTRÔLE sur la manière dont je réagis. Je me rappelle que les émotions négatives suscitées par leurs jugements sont issues de mes propres sentiments : honte, culpabilité, peur du ridicule, peur de ne pas être à la hauteur, peur de décevoir, peur de ne pas être aimé(e) comme je suis, peur de ne pas être assez aimé(e) ou mal aimé(e) si je me montre tel(le) que je suis et tout l’éventail de mes peurs conscientes ET inconscientes.
9. Je me rappelle que les émotions sont des ÉNERGIES qui me traversent et que si je les accepte, je les retiens, je m’y accroche et leur pression se fait plus forte générant tristesse, mal être, agressivité, colère, dépression, etc.
10. Comme je n’adhère pas au principe du « tout le monde se critique » car se faisant j’y contribue et j’alimente la bulle de mes paroles négatives, j’applique EN CONSCIENCE la formule « ne fais pas aux Autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse ». Par conséquent, je ME libère du jugement des Autres en me gardant moi-même de porter des jugements sur Autrui.
J’apprends et j’applique l’indulgence, la compassion, la tolérance. Je développe les qualités du cœur. J’essaie de comprendre les causes d’un comportement. J’accepte tout simplement et ainsi je me libère, la diversité des points de vues tant en conservant la maîtrise de mes émotions et mon libre-arbitre.
11. Dans le cas où je suis face à des jugements injustifiés, je me rapproche du ou des auteurs pour en comprendre l’origine. Le cas échéant, j’adopte la NEUTRALITÉ.
Et je continue mon chemin.
12. J’acquiers une grande maîtrise de mes émotions et je développe la confiance en mon jugement. Je sais QUI JE SUIS, CE QUE JE VAUX et ce qui est IMPORTANT pour moi. Les jugements dévastateurs des Autres n’ont plus de prise et c’est avec une belle humeur que je me répète la fameuse réplique « L’opinion des autres roule comme le train de leurs insultes sur les rails de mon indifférence ».[3]
13. Lorsque je m’indigne de l’ingratitude humaine, je m’interroge pourquoi mes gestes généreux ne produisent pas l’effet escompté. Les Autres sont peut-être égoïstes, mesquins et mal élevés. Il peut y avoir cent raisons … je me rappelle la citation du Samuel Johnson, « La gratitude est le fruit de la culture. Vous ne la trouverez pas chez les vulgaires ». Cette phrase fait ressortir que je commets l’erreur, très fréquente, de m’attendre à un geste de gratitude.
Il en est ainsi de la nature humaine… et je n’y peux rien. Il est plus sage que j’en prenne mon parti et de faire mienne la très réaliste et perspicace remarque de Marc Aurèle, « Aujourd’hui, je vais rencontrer des gens qui parlent trop, des égoïstes prétentieux et ingrats. Je n’en serai ni surpris ni choqué car le monde est ainsi fait ». Il est intéressant de relever que déjà en l’an 177, un empereur romain faisait état de l’ingratitude.
Le mieux est de n’attendre rien de personne. Et je ne serai plus déçu(e) car il est fréquent que les gens oublient d’exprimer leur gratitude.
Je suis lucide. Mon besoin de gratitude est en fait un besoin d’affection, de reconnaissance et de sollicitude. Si je crois que cela m’est dû et que je m’obstine à appeler cela de la gratitude, personne ne me témoignera de l’affection et encore moins de la gratitude. Parce qu’inconsciemment, j’exige de la gratitude.
J’apprends et j’applique la formule : Si je veux trouver le bonheur, je cesse de réfléchir à la gratitude ou à l’ingratitude. Je donne simplement pour le plaisir de donner.
Enfin, je décide de prendre la vie du bon côté et, une bonne fois pour toutes, je cesse de me tourmenter du jugement des Autres.
Conduis-moi, ô lumière céleste,
Guide-moi toujours sur le chemin.
Un seul pas à la fois me suffit,
Je n’ai pas à tout voir au lointain.
Auteur : Katja Hanska
Droits réservés 2019-2020
[1] « Perdre ses illusions pour mieux vivre ses rêves » de Katja Hanska
[2] « De l’Amour à la haine ou comment se libérer de l’Attachement » de Katja Hanska
[3] Réplique de Georges Arbitol dans La Classe Américaine
*Synchronicité : Dans la psychologie analytique développée par Carl G. Jung, la synchronicité est l’occurrence simultanée d’au moins deux évènements qui ne présentent pas de lien de causalité mais dont l’association prend un sens pour la personne qui le perçoit.
** Nigredo : Ici on reprend le concept de l’alchimie, à savoir, pour ce qui nous intéresse, le pouvoir de transformer notre personnalité (le plomb) en métal noble (transmutation de l’âme). Pour Carl G. Jung, l’alchimie a été parallèle historique qui lui a permis de trouver un point de vue extérieur venant à l’appui de ses thèses. Pour faire court, l’étude du symbolisme alchimique lui fournit alors une carte de l’ensemble du processus d’individuation. Je recommande la lecture de son œuvre traitant de « La réalité de l’âme » aux Editions Poche (2 volumes)
***Individuation : L’individuation de Carl G. Jung « est le processus de formation et de particularisation de l’individu ; plus spécialement de l’individu psychologique comme étant distinct de l’ensemble, de la psychologie collective. Le processus d’individuation est donc un processus de différenciation qui a pour but de développer la personnalité individuelle. Lire « Les Types psychologiques » de Carl G. Jung
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